samedi 27 juin 2015

Chelsea Hotel en passant par la High Line


Chère Meryl,

Quel bonheur de t'avoir rencontrée alors que je m'apprêtais à faire demi-tour dans ce hall usé et presque vide, où il était interdit de prendre des photos.
C'est bien le même lobby, mais il ne reste que 2 fauteuils

Le Chelsea Hotel, Patti Smith l'a décrit comme étant "une maison de poupée dans une  zone d'ombre", l'hôtel où Sid Vicious a assassiné Nancy Sprungen dans l'une de ses chambres, le poète Dylan Thomas y est mort d'alcoolisme deux jours après avoir déclaré "J'ai bu dix-huit whiskies de suite, je crois que c'est mon record", Jack Kerouac y a écrit Sur la route et Leonard Cohen Hotel #2,  chanson dans laquelle il parle de Janis Joplin, sa précédente amante, Andy Warhol y a tourné Chelsea Girls... Au fil des années, le Chelsea Hotel, a été le domicile d'une galerie exceptionnelle d'artistes - peintres, musiciens, écrivains - et de chefs d’œuvre.
En 1883, le bâtiment de douze étages est construit dans une rue située à l'époque dans le quartier des théâtres. C'est, à sa construction, l'immeuble le plus haut de New York, une des premières coopératives d'habitation privée, mais des difficultés économiques et le déplacement des théâtres entraînent sa banqueroute. En 1905, le bâtiment devient un hôtel qui héberge surtout des personnes pour des longs séjours. Il est, dès ses débuts, un important centre de la vie artistique new-yorkaise.
En pleine vague hippie, un utilisateur décrit ainsi l'hôtel : " [...] Bâtiment ancien, en mauvais état, aux chambres cependant spacieuses. Les dessus de lit sont râpés, avec une odeur de poussière qui n'appartient qu'à cet hôtel. [...] Le Chelsea Hotel dégage une odeur très particulière, que les amateurs reconnaissent vite, une odeur d'usé, de presque moisi, de marécage urbain, pas forcément désagréable [...] À chaque étage, en face de l'ascenseur, une ouverture obscure dans le mur. À l'intérieur, on distingue tout un entrelacement de câbles électriques de couleur noire. En face de l'ouverture, sur le palier, un ventilateur tourne en permanence. Il est là pour rafraîchir les câbles, qui sans cela s'échaufferaient trop vite. À partir du printemps, quand on arrête le chauffage, on range aussi les ventilateurs. L'installation parait dater des années 1920, ou 1930."













Le directeur a refilé son poste à son fils. puis ce dernier a été remercié en 2007; sa famille, ne détenant que 40 % des parts, est mise en minorité. En mai 2011, l'hôtel est vendu à un promoteur immobilier pour 80 millions de dollars. L'hôtel cesse de prendre des réservations pour les clients afin de commencer les rénovations, mais les résidents de longue date demeurent dans l'édifice.
L'hôtel conserve sa magie, même "fermé", surtout grâce à toi. Tu étais assise dans un fauteuil défraîchi, tu lisais. Tu m'as interpelée. Quand j'ai réalisé que je parlais à une résidente, je me suis assise dans le fauteuil à côté du tien. "Depuis combien de temps?" 34 ans. "Incroyable, raconte-moi!" Tu es arrivée de Toronto, comme Leonard (Cohen). Tu voulais tenter ta chance en tant que chorégraphe. Tu m'as montré ta canne, puis tu as ajouté ton âge, 77 ans, pour confirmer que cette époque était révolue. Tu m'as montré des photos, de l'hôtel au temps de sa splendeur, des photos que tu as sorties de ton sac à main. Tu m'as parlé de rencontres faites parfois dans les couloirs, parfois dans l'ascenseur. Tu m'as raconté que même dans cet état, l'hôtel était confortable, que jamais tu n'irais habiter ailleurs, que les travaux dureraient encore longtemps, tu as lu dans le Wall Street Journal qu'il y avait des magouilles, plus d'argent...
Tu as aussi évoqué tes parents partis d'Angleterre en 1910 pour New York, mais le bateau est arrivé à Montréal. C'était ton destin de vivre dans la Grande Pomme... J'ai dû te laisser, à regret, j'avais rendez-vous avec Nina.

Avec tous mes remerciements d'avoir rendu cette rencontre imprévue possible.

D.

PS. Je glisse quelques photos de ma promenade sur la High Line à Chelsea, où j'avais commencé ma journée.
La High Line est un parc linéaire urbain suspendu, aménagé sur une portion désaffectée des anciennes voies ferrées aériennes du Lower West Side.
Au début du 20e siècle les communications du Meatpacking District, le quartier des abattoirs de Manhattan sont saturées. Piétons, chevaux, carrioles, automobiles, camions, partagent la rue avec les trains qui circulent au beau milieu de la chaussée comme un banal tramway. Pour remédier aux gigantesques encombrements et aux nombreux accidents (la 10e rue est alors surnommée la rue de la mort), la construction d'une voie ferrée aérienne débute en 1930. Longeant l'Hudson River, la voie ferrée traverse certains immeubles et desserts directement des entrepôts de la zone. Lors de la décennie 50-60 on observe le déclin du rail au profit de la route, les camions supplantent les trains et le trafic de la ligne faiblit. En 1980, le dernier train circule avec trois wagons de dindes congelées. Désaffectée, la ligne devient une friche industrielle urbaine envahie par les herbes folles. Dès 1979, l'architecte américain Steven Holl propose de réaménager les voies suspendues en jardin et les immeubles en lofts et logements sociaux.
 

Damiàn Ortega, Physical Graffiti, 2015
S'élevant depuis l'intersection de Gansvoort Street et Washington Street à la 30e rue, la High Line dispose d'un mobilier urbain sobre entre les espaces verts, de mini-amphithéâtres et d'œuvres d'arts ; il existe pourtant seize interdictions indiquées sur une pancarte, dont ne pas rouler à bicyclette, mendier, promener son chien, consommer des boissons alcoolisées, cueillir les fleurs, écouter ou jouer trop fort de la musique, fumer ou encore jeter des détritus.


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