mardi 19 mai 2015

Le Rowan Oak de William


Chère Mane,

Je te parle d'un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître. De trente ans non plus. Voire plus... Bref, je te parle du bon vieux temps.

A cette époque-là, mon plus gros souci était de passer mon année, ce qui n'était même pas ton cas, c'était acquis d'avance. Enfin, c'était mon souci avouable, je faisais semblant de m'inquiéter de mes résultats, je pensais que c'était ce qui était attendu de moi.
Dans mes préoccupations, il y avait Temple Drake, jeune fille de bonne famille qui s'évade un soir de son collège avec un jeune homme ivre. Leur voiture s'échoue à proximité d'une vieille maison délabrée transformée en café tenue par un couple de noirs. Plusieurs personnages au bord de l'ivresse entrent alors en scène. Temple sera violée par l'énigmatique Popeye et un meurtre sera commis. Je te signale que ce roman, Sanctuaire, faisait partie des lectures recommandées de littérature anglophone. Lors d'une première lecture, c'est bien simple, je n'avais rien compris. Lors des suivantes, j'avais découvert qu'il y avait viol, mais je ne comprenais pas où et ce qu'un épi de maïs venait faire dans cette histoire de William Faulkner. Je devais en parler devant ma classe, j'étais "l'experte" et je ne comprenais que dalle.
J'aurais pu leur raconter que ce roman, écrit en 1929, avait été publié pour la première fois en 1931, dans le but avoué de gagner de l'argent. A l'apogée de la prohibition, il mettait en scène des personnages alcooliques ou évoluant dans des bordels. Mais j'aurais été rouge pivoine devant la classe.
J'en ai voulu à William Faulkner, tu n'as pas idée. D'ailleurs, cette histoire m'a trotté dans la tête jusqu'en 2013, quand je l'ai relue tranquillement, sans souci de décrocher une bonne note, et avec un peu d'aide de commentaires trouvés sur le web. 
Quand j'ai appris qu'il avait habité, de 1930 à sa mort en 1962, à quelques miles d'où je me trouve actuellement, je n'ai pas pu résister à aller lui raconter toutes mes souffrances. Le village s'appelle Oxford (dans l’État du Mississippi), qu'il avait, lui, appelé Yoknapatawpha (!!!). C'est avant tout une petite ville universitaire, tiens donc, avec un centre ville, et trois (3) librairies.
J'ai vu sa maison, Rowan Oak (chêne-sorbier, une essence qui n'a existé que dans son imagination), au milieu d'un parc dans lequel les grillons faisaient un boucan d'enfer. Je suppose que ce bruit constant devait favoriser l'inspiration.
Je n'ai pas visité la maison. Je ne me suis pas rendue sur sa tombe non plus. Non, je suis allée prendre un café dans une des librairies, sur la galerie qui surplombait le square, une image d'un autre temps.


Inutile de te rappeler que Faulkner est l'un des écrivains du Sud les plus marquants, aux côtés de Mark Twain, Truman Capote et Tennessee Williams. Il est considéré comme un des plus grands écrivains américains de tous les temps et un écrivain majeur du 20e siècle. Mine de rien, on ne nous faisait pas lire n'importe quoi. Il aurait juste fallu qu'on nous accompagne un peu.

Avec toute mon amitié.
D.

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